Le fog, souvenir d'Angleterre

mercredi 18 janvier 2017

Souvenir d'Angleterre : 27 janvier 2014

Dartmoor est sublime. Sauvage et changeante étendue de nature qui déborde de l'horizon. Des collines qui font le dos rond sous la dure caresse du vent et qui fondent leurs morceaux de rocs dans le fog anglais. C'est le genre d'endroit qui promet un dépaysement, qui évoque une poésie abrupte et directe qui vient à vous comme dans un coup. J'y suis allée en espérant pouvoir m'en repaître, imaginant un large ciel cru, bleuté d'hiver dans la pâleur du soleil de janvier. Les creux et les pleins y auraient été découpés comme au couteau, franchement, les déliés aussi. Mais on ne peut demander à la nature de se conformer à la beauté qu'on lui a choisi. A force de tableaux et de poèmes, on ne sait plus si l'art s'accapare et pastiche sa beauté ou s'il l'invente et la canonise. La nature est sans doute ce qu'elle est, ni belle ni cruelle... je me dis que nous sommes bien ceux qui la qualifient et lui attribuent nos propres carcans linguistiques. Enfin, j'en fais sans doute trop. Toujours est-il que ce que j'y ai trouvé ne ressemblait pas totalement à cette pensée trop générique. J'y ai trouvé du caractère et de la force et une beauté loin des représentations habituelles.
La réserve était enrouée de nuages bas et le ciel déversait des trombes d'eaux. Glaciales. A un moment de la randonnée, nous avons décidé d'escalader une colline pour avoir une vue dégagée. J'ai fait des pauses régulières tout au long de l'ascension, observant le lac en contre-bas qu'embrassait une forêt sombre et écharpée. Un fois arrivés au sommet, on ne voyait plus à dix mètres. Le paysage était bouché par le brouillard appesanti contre les flans du mont. Le gris des pierres coulait mystérieusement dans l'humidité blanchâtre qui s'élevait de l'herbe grasse et des buissons cuivrés. Le vent mouillé soufflait dans de froides bourrasques, m'imprimant le visage d'une fraîche odeur d'humus et de pluie. En réalité, il ne s'est arrêté de pleuvoir que lorsque nous attendions le bus de retour, les pieds trempés dans des chaussures devenues piscines, les jambes boueuses, les mains engourdies et la bouche pleine de biscuits à la clotted cream dans l'intention de se remonter le moral. Les meilleurs biscuits que j'ai mangé depuis longtemps, on s'en doute. Rien de mieux que le sentiment de réconfort pour dorer le pus banal des cailloux ou pour bénir un bus des plus classiques.
La légère odeur de renfermé lorsque nous avons pénétré dans le couloir d'entrée de l'appartement m'a presque fait l'effet d'un choc. Et ça résume plutôt bien la semaine qui vient de passer. Une sensation d'étriqué envahie du brouillard du Dartmoor qui semblait m'avoir suivie jusque chez moi mais qui y perdait, pour le coup, tout son charme. Des choses qui me semblaient jusqu'à présent insignifiantes se sont mises à me peser.Toute mon attention a été agitée comme une boule à neige pour  se concentrer sur des personnes ou des faits qui n'auraient pas dû prendre autant d'importance. J'ai eu la désagréable sensation de ne vivre qu'à travers la considération qu'elles me portaient.
Et je déteste ça.
Je déteste cette dépossession de moi-même, ce trou que je creuse dans mon estime et que je demande aux autres de combler. Il y a cette phrase de Rousseau que j'aime beaucoup et qui fait partie de ces citations qui quittent leur grand cadre auréolé pour nous devenir plus intimes parce qu'elles résonnent fort en nous. Parce que leur justesse nous frappe et en vient presque à nous déranger. "En travaillant à mériter ma propre estime, j'ai appris à me passer de celle des autres". C'est un peu une ligne de conduite, une étape que je m'efforce depuis des années à atteindre. Cette semaine, la dégringolade a été magistrale.
Je ne garde cependant pas de vue l'objectif de ce temps passé ici et qui a motivé la création de ce blog : apprendre et avancer. "Pourquoi tombe-t-on Bruce ?... Pour se relever" Allez, hop, puisque c'est l'instant citation visiblement, The Dark Night peut bien me  passer une de celles qui sont cultes. Donc oui, j'avance, du moins je promets que j'essaie. Et à nouvelle semaine, nouvel essai.

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